La culture numérique en Afrique

La culture numérique ou “digital literacy” en anglais est l’un des éléments fondamentaux de la promotion des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous dans le cadre de l’action pour la mise en œuvre de l’objectif 4 du développement durable (SDG 4), qui comprend une cible spécifique (4.4) « D’ici à 2030, augmenter considérablement le nombre de jeunes et d’adultes disposant des compétences, notamment techniques et professionnelles, nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entrepreneuriat.”

La culture numérique peut être définie comme « la capacité à utiliser les technologies de l’information et de la communication pour trouver, évaluer, créer et communiquer des informations, ce qui requiert des compétences à la fois cognitives et techniques ». En d’autres termes, on peut dire qu’il existe une corrélation entre la culture numérique ou l’alphabétisation numérique et l’inclusion numérique lorsque les gens sont capables d’utiliser et d’accéder aux technologies de l’information et de la communication, d’effectuer des procédures administratives en ligne via des services d’administration en ligne, d’effectuer des paiements et de proposer des services financiers en utilisant la technologie, etc. L’économie mondiale, la vie sociale, les emplois et les activités de loisirs dans le monde entier sont fortement influencés par la technologie, et l’impact de la technologie continue de croître. La culture numérique n’est donc plus une option mais une exigence fondamentale de la vie quotidienne.  

Pourquoi l’Afrique devrait-elle faire de la culture numérique une priorité ?

Avec une révolution numérique mondiale en cours, la culture numérique est un défi permanent, car la technologie pénètre tous les secteurs de l’économie. A titre d’exemple, comme de nombreux pays africains ont une économie basée sur l’agriculture, les agriculteurs ont de plus en plus besoin de l’agritech pour contrôler leurs produits, utiliser la technologie pour traiter leurs cultures, les vendre ou vérifier les prix en ligne. Nous assistons à un grand changement dans la nature du travail, et le rapport de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde parle de la nature changeante du travail et de la manière dont cette « quatrième révolution industrielle » façonne l’avenir. Le travail est constamment remodelé par le progrès technologique, les entreprises adoptent de nouveaux modes de production, les marchés s’étendent et les sociétés évoluent. Outre l’impact commercial de la culture numérique, elle est également au cœur du secteur de l’éducation. Aujourd’hui, les ressources en ligne s’enrichissent autant en contenu éducatif que les bibliothèques physiques. Certaines ressources d’expérimentation sont désormais disponibles en version virtuelle, de sorte qu’elles peuvent être accessibles dans le monde entier grâce à la technologie de réalité virtuelle, ce qui en réduit le coût. Les africains doivent donc s’adapter à la vie numérique afin de s’adapter à un monde qui se digitalise. Dans cet article, nous allons explorer la culture numérique basée sur la diffusion d’internet et la pénétration des téléphones portables, l’accès à la connectivité internet et son coût, et les différentes façons dont les personnes peuvent être formées à l’utilisation des ressources et des outils numériques.

L’état actuel de la culture numérique en Afrique 

Le taux d’illectronisme va de pair avec l’accès aux moyens numériques. Selon les statistiques d’Internet World, la pénétration d’Internet en Afrique en 2020 est estimée à 47,1 %, et à la fin de 2019, 45 % de la population d’Afrique subsaharienne était abonnée à des services mobiles selon la GSMA. Malgré le retard de la pénétration de l’internet et de la téléphonie mobile en Afrique, la courbe de croissance s’accélère et les Africains font preuve d’un grand enthousiasme dans l’adoption des changements technologiques rapides, leur polyvalence et de combler la fracture numérique mondiale.

 

  

Par conséquent, comme la pénétration du numérique est encore faible par rapport à d’autres continents, la culture numérique est elle aussi à la traîne. Cependant, différentes initiatives ont été mises en place en Afrique pour favoriser l’accessibilité et l’abordabilité du numérique. Différentes écoles, institutions, ONG et bien d’autres font tout leur possible pour réduire la fracture numérique en Afrique et accroître la culture numérique de la population afin de renforcer les capacités. 

Andela, une société américaine spécialisée dans la formation des développeurs de logiciels en est un exemple. Son modèle commercial vise à accélérer le développement des métiers du numérique en Afrique en formant les développeurs de logiciels avec des outils en ligne gratuits, afin de faire progresser le potentiel humain en investissant dans meilleurs talents africains. Une fois formés, les développeurs sont engagés par Andela ou travaillant pour des clients d’Andela dans le monde entier. La société vise à former 100 000 développeurs de logiciels d’ici 2024. Elle améliore la culture numérique en réduisant la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le monde et lançant les carrières professionnelles de jeunes sans qu’ils aient à s’endetter ou quitter leur pays d’origine

Outre le développement de compétences, la connectivité au dernier kilomètre est aussi essentielle. Africa50 la plate-forme panafricaine d’investissement dans les infrastructures, a mis en place le Africa50 Innovation challenge qui vise à aider à trouver des solutions Internet du dernier kilomètre pour l’Afrique. La première édition du challenge a pour objectif de trouver des solutions pour améliorer la connectivité afin d’accroître l’accès à un internet fiable et abordable dans les zones mal desservies d’Afrique. Aujourd’hui, le challenge a été remporté par Poa internet, le plus grand réseau Wi-Fi public du Kenya, et Shiriki Hub, une start-up rwandaise de services qui produit des kiosques mobiles fonctionnant grâce à l’énergie solaire et dotés de prises de recharge de téléphones portables, le stockage de contenu local, l’accès aux services gouvernementaux en ligne, etc… Africa50 va lancer un programme pilote au Rwanda pour tester le modèle commercial de la solution dans un contexte rural et démontrer sa viabilité à l’échelle du continent. 

Dans certains pays tels que le Rwanda, l’Afrique du Sud et le Nigeria, des programmes One Laptop per Child (OLPC) ont aussi été lancés prévoyant la distribution d’ordinateurs portables dans les écoles primaires. 

Obstacles à la culture numérique en Afrique

Le tout premier obstacle à la croissance de la culture numérique dans les pays en développement est la pauvreté. L’incapacité à payer les prix des infrastructures numériques et le manque de soutien adéquat en matière de technologies de l’information se traduisent par la faible qualité de l’éducation. Les écoles tentent de fournir un accès durable aux infrastructures des TIC en délégant les coûts supplémentaires aux élèves. Cependant, cette pratique est largement critiquée comme étant discriminatoire envers ceux qui ne peuvent pas se le permettre dans les pays à faibles revenus. Enfin, les infrastructures posent également problème, car la couverture du réseau électrique est encore fragmentée dans diverses régions du continent. Selon le rapport de la Banque mondiale, la partie rurale de l’Afrique était couverte à 31,5 % en 2018.

Découvrez quelques projets qui ont un impact sur la culture numérique en Afrique

Zenzeleni Community Networks 

Zenzeleni est le premier réseau de télécommunications d’Afrique du Sud appartenant à une coopérative et offrant un réseau Internet haut débit de qualité comparable à celui des centres urbains les plus développés du pays. Ils déploient l’infrastructure de manière à ce que les citoyens puissent soit demander une liaison Internet dédiée à leur domicile, leur entreprise ou leur organisation, soit collaborer avec la coopérative pour obtenir un point d’accès dans leur village ou leur communauté. 

Smart Classrooms Initiative

En 2014, le ministère rwandais de l’éducation a signé un accord en partenariat avec Microsoft. L’accord porte sur l’utilisation des nouvelles technologies numériques et l’acquisition de nouvelles compétences dans le domaine des nouvelles technologies pour transformer le domaine de l’éducation nationale. Le programme « Smart Classrooms Initiative » du gouvernement rwandais, qui vise à équiper plus d’un millier de classes d’une connexion Internet, est l’une des composantes de cet accord. Ce projet fait partie de la stratégie nationale d’évolution vers une économie dans laquelle les TIC sont davantage mises en valeur.

KALAAN

KALAAN est une association fondée par Didier Drogba, un footballeur à succès, qui a signé un protocole d’accord avec l’association Développement de l’Education en Afrique (ADEA) pour promouvoir la « Digital Literacy »  en Côte d’Ivoire. Il s’agira de sensibiliser les organisations de la société civile, les citoyens et les partenaires du développement pour qu’ils donnent la priorité à l’alphabétisation numérique dans leurs projets. Le projet a des plans ambitieux pour promouvoir la culture numérique en Côte d’Ivoire et vise également à promouvoir les compétences numériques de plus de 10 millions de personnes à travers le continent africain sur une période de 5 ans en utilisant les nouvelles technologies de l’information, y compris les smartphones avec un accent particulier pour les femmes et les communautés rurales.  

Education Transformation Agreement en Ethiopie

L’Education Transformation Agreement in Ethiopia conclu entre Microsoft et le ministère éthiopien de l’éducation s’inscrit dans un projet qui vise la transformation des compétences liées au mode de présence des TIC dans le système éducatif éthiopien. Microsoft met ses outils technologiques ainsi que son expertise au service de ce programme pour améliorer la culture numérique des jeunes. Cette formation comporte quatre objectifs au total : promouvoir l’inclusion numérique, stimuler la créativité et l’innovation, développer les compétences stratégiques du nouveau millénaire et améliorer les compétences des enseignants.   

VIVADA C3

La solution rurale Vivada contient de nombreuses innovations techniques, notamment une faible consommation d’énergie, des équipements physiquement petits pour les hotspots Wi-Fi, des stations de base 2G, 3G ou 4G permettant l’utilisation de l’énergie solaire qui épargne à l’utilisateur le coût et la logistique des générateurs et du diesel. Cette solution qui est actuellement déployée au Nigeria crée un village intelligent en rassemblant plusieurs services dans un seul télécentre qui comprend tout ou partie des services suivants : centres de commerce électronique pour les semences agricoles, les engrais ainsi que d’autres services gouvernementaux nécessaires au quotidien, cybercafé, hotspot Wi-Fi, cabine d’information publique, point de recharge des appareils, boutique pour l’achat de temps d’antenne, électricité prépayée, etc…

L’exclusion des possibilités d’information et de communication est une autre forme de pauvreté. Le coût des moyens numériques et des services mobiles est l’un des plus grands obstacles à la culture numérique. Cependant, en raison de l’urgence de la demande de compétences numériques, les écoles ayant accès aux infrastructures numériques devraient les enseigner en tant que matière transversale. En outre, l’apprentissage des TIC devrait être étendu à tous les niveaux d’enseignement : primaire, secondaire, formation professionnelle et universitaire. Davantage d’initiatives visant à améliorer les compétences numériques devraient être mises en place et mises à la disposition des citoyens, ainsi que des infrastructures numériques abordables.